Banc de poissons

La danse africaine fabrique le groupe.

Pour l’observateur sérieux et attentif, la danse africaine est souvent étudiée comme un phénomène sociologique et non une création artistique.

Certains spécialistes de la culture africaine ont créé, pour elle, des noms on ne peut plus fantaisistes : « Danse des hommes forts », « Danse des lutteurs », « Danse guerrière », « Danse des combattants », etc. Ces entreprises de nomination, qui suggèrent la violence et la barbarie, bien que farfelues ont influencé la perception des danses d’Afrique en Occident. En effet, dans la conscience collective, la pratique ou l’enseignement de ces danses fait la part belle à « la force physique », à « la brutalité », à « la violence », au « martellement », à « la force des jarrets et des mollets », au mépris de la finesse, de la poésie, de la douceur, de la beauté, de la réflexion, de l’imagination et de la création qui sont les caractéristiques majeures de l’art chorégraphique.

Par ailleurs, jusqu’à il y a peu, il n’existait presque aucun texte sur la danse africaine en tant art.

Le public n’a pas l’occasion de voir autre chose, et de comprendre toutes les vertus que véhicule cet art aux multiples facettes.

Par exemple sa dimension dans la communication.

  • La communication, c’est « être en relation avec ». Avant d’« être en relation avec », il faut avoir accès à soi. La danse africaine artistique est une voie d’apprentissage de notre corps (par l’éveil des sens, la découverte de nos sensations et de cette incroyable capacité de lâcher prise). Elle favorise une forme d’observation interne, qui vient nourrir l’observation du monde et donc la prise de conscience de l’Autre, point de départ de la communication. C’est donc une forme d’immersion en soi-même qui favorise la connaissance de soi et développe nos capacités d’être avec l’autre.
  • La danse africaine, c’est aussi le groupe, la manière de positionner son corps dans l’espace, en tenant compte des corps des autres ; c’est bousculer ces distances physiques socialement « adaptées », très différentes d’une culture à une autre. Elle fait donc tomber les barrières et les tabous. Par ailleurs, elle fabrique le groupe, se nourrit du groupe et elle l’entretient au détriment de l’individualisme et de la solitude. Entrer dans la danse, c’est entrer dans le groupe qui est avant tout synonyme de partage et de communication.

Pour en savoir plus : lire L’alphabet de la danse africaine.

Alphonse Tierou
Chercheur, Chorégraphe, Écrivain